«
»

Sarkozy offre 40 millions d’euros d’argent public à son ami Tapie

CE n°4577 du 16 juillet 2008
village-justice.com

Et il y eu l’affaire Adidas.

En gros, de ce que j’ai pu comprendre, Tapie (Bernard Tapie Finance Gmbh, filiale allemande de BTF) rachète en 1990 pour 1.6 milliard de francs (245 millions €) Adidas grâce au LCL, plus précisément grâce à sa filiale, la SDBO (Société de Banque Occidentale).

En 1992, propulsé ministre de la ville, il décide de suivre les conseils de son ami et néanmoins avocat d’affaires (spécialiste des entreprises en difficultés) J-L Borloo et cherche à revendre Adidas (il arrive à rembourser péniblement 0.6 milliard (sur les 1.6 emprunté) en vendant 20% d’Adidas à Portland). La société Portland est prête à racheter entièrement Adidas mais découvre, suite à un audit financier, des rats crevés. Faute de repreneur, Tapie décide de confier la vente du “groupe Tapie” (BTF, 78% de BTF Gmbh (Adidas), FinanceImmobilierBT, GroupeBT) à sa banque, la SDBO, pour 2.0 milliard de francs (305 millions €) (mémorandum du 15 fév. 1993). Cette somme est censée rembourser l’ensemble des dettes de Tapie envers la SDBO.
La vente du groupe Tapie par la SDBO a lieu en 1993. Via ses diverses filiales, LCL détient désormais 20% d’Adidas, Robert Louis Dreyfus (nouveau directeur) 15%, des compagnies d’assurances (l’UAP et AGF : 12%) et le reste est répartie à des organismes financiers résidant dans des paradis fiscaux.

Mais la vente a été truquée ! La SDBO a accordé un prêt à un taux ridiculement faible (0.5%) aux nouveaux actionnaires d’Adidas [c'est-à-dire ses filiales, Dreyfus et l'UAP] sous réserve qu’ils vendent leurs titres à la personne et au moment où la SDBO le désire. En cas de plus value, les associés secrets de la SDBO recevront 2/3 des bénéfices, en cas de moins value ils ne payeront pas les intérêts du crédit !

De fait, le jour même de la vente du groupe Tapie par la SDBO, les associés secrets de la SDBO signent une promesse de vente de leurs actions Adidas pour une valeur de 3.5 milliards de franc (535 millions €) à…R-L Dreyfus. La vente a effectivement lieu le 22 décembre 1994 et le LCL ramasse les 2/3 de 20% de la plus value (soit 200 millions de francs – 30 millions €).

En 1994 c’est la crise au LCL. Afin de figurer parmi les meilleures banques mondiales, le LCL décide de se séparer de ses filiales aux actifs pourris (i.e. dont les prêts sont accordés à des souscripteurs peu fiables, typiquement Adidas) donc de la SDBO. La SDBO quitte le LCL, et appartient désormais au Consortium De Réalisation (?!) (CDR) qui vient d’être créé spécialement. Et suite à la décision de la commission européenne portant sur “l’approbation conditionnée de l’aide accordée par la France à la banque Crédit Lyonnais”, le CDR est étatisé en juillet 1995. Il dépendra finalement de l’Établissement Public de Financement et de Restructuration (EPFR). C’est l’État qui au final essuiera les dettes du CDR (!).

Tapie découvre le pot aux roses et, en 1996, il mène l’affaire au tribunal. S’en suivent 12 ans d’instruction :

  1. le 7 novembre 1996, le TCP (Tribunal de Commerce de Paris) ordonne aux banques (donc à l’état puisque qu’entre temps le CDR a été étatisé) de verser 600 millions de francs (91 millions €) de dommages-intérêts à Tapie pour montage frauduleux visant à capter la plus-value de la cession d’Adidas,
  2. les actionnaires minoritaires portent plainte contre l’ex SDBO et finalement “retardent” l’affaire Tapie, le TCP ayant décidé de fusionner les 2 affaires devant la cours d’appel de Paris (décision du 22 sept 1999),
  3. plusieurs tentatives de médiation infructueuses entre Tapie et le CDR pour essayer de trouver un arrangement amiable,
  4. c’est seulement en 2005 que l’affaire est jugée par par la cour d’appel de Paris. Elle condamne de nouveau et sévèrement les banques (LCL et le CDR) le 30 sept 2005 : le CDR (donc le contribuable) doit verser 145 millions d’euros à Tapie,
  5. les banques ne l’entendent pas ainsi et portent l’affaire à la cour de cassation, la formation de jugement la plus solennelle de la haute juridiction judiciaire française. La cour de cassation annule l’arrêté de la cour d’appel de Paris le 9 oct 2006 et renvoie l’affaire (après jugement et analyse) à la cour d’appel de Paris pour que le montant des indemnités soit révisé à la baisse (l’ensemble des plaintes n’étaient pas recevables),

…et là s’arrêtent les quelques lignes concernant la part de Justice dans cette affaire. Tapie va pouvoir compter sur l’aide d’une vieille connaissance haut placé : Zorro, alias Sarko, le vengeur masqué est arrivé, et il va tout casser…

Il faut savoir que les 145 millions d’euros de dommages et intérêts (accordée par la cour de cassation, la plus juridition financière française) ne permettent pas à Tapie d’éponger toutes ses dettes :

  • liquidation de ses sociétés – 163 millions €,
  • fisc et Urssaf impayés – bref des affaires qui fleurent bien la fraude, 120 millions €,
  • magouilles en tous genres : 40 millions € (notamment pour l’administration fiscale et douanière),

soit un total qui s’élève à 355 millions € (!).

Donc dans la merde le Nanard…mais pas pour longtemps. Comment, en 3 étapes, Nanard va ramasser 40 millions d’euros net et sans jamais avoir eu à jouer à l’euromillion :

  1. Première intervention de Sarko en 2005 alors qu’il est au ministère des finances. Il essaie de court-circuiter la décision de la cour de cassation et organise la première “mission d’arbitrage” entre Tapie et le CDR. Mais Tapie n’est pas prêt d’accepter un arrangement amiable : quand le tribunal lui accorde 145 millions €, il en réclame 305 !! Échec des négociations.
  2. En 2006 le CDR propose à Tapie de passer l’éponge sur toutes ses dettes, à condition qu’il solde tous ses actifs, y compris son hôtel particulier parisien à Saint Germain des Près. Refus de Nanard qui a compris que la forte tête du CDR (JP Aubert) allait bientôt prendre sa retraite.
    Le successeur d’Aubert était connu d’avance mais c’était sans compter sur la deuxième intervention décisive de Sarkozy qui, au dernier moment, fait placer (par l’intermédiaire de T. Breton, ministre des finances) JF Rocchi à la tête du CDR.
    Dès lors les avocats du CDR qui préparaient leurs dossiers (jugement devant la cour d’appel de Paris prévu par la décision de la cour de cassation) reçoivent l’ordre de stopper leurs investigations !
  3. L’affaire est presque pliée. Troisième intervention de notre bien aimé président : il nomme à la tête de l’EPFR une personne de connivence. La dernière barrière étant levée Rocchi peut enfin préconiser une mission d’arbitrage, sous prétexte qu’elle est plus rapide (mais aussi plus opaque) qu’une procédure judiciaire. Les arrangements ont lieu en catimini entre Tapie et le CDR.

Au final l’État devra verser 395 millions € au carnassier :

  • 240 millions € pour manque à gagner dans l’affaire du LCL,
  • 111 millions € d’intérêts (au taux en vigueur entre 1993 et 2008),
  • 45 millions € de préjudice moral !! (et il suffit de regarder le pedigree de Tapie pour avoir une idée de ce que moral signifie [dixit F. Bayrou])

Parmi les 3 arbitres impartiales qui officialiseront le don de 395 millions € au grand martyre, on retrouve un ancien dirigeant du PRG (Parti des Radicaux de Gauche, l’ancien partie politique de Nanard du temps de la grande époque) ! Il recevra, comme les 2 autres, des honoraires de 333 mille € pour ses bons et loyaux services (un rapport de 94 pages, soit environ 10 mille € la page, payée par le CDR donc le contribuable).

De mémoire de magistrat, il n’est jamais arrivé qu’une affaire soit jugée par la cour de cassation pour finalement être entérinée par une commission occulte.

Comme quoi il peut être utile d’avoir un ami* bien placé pour balayer d’un revers de main un des fondements de la démocratie : la séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le judiciaire.

* Bernard Tapie n’a pas oublié pendant la compagne présidentielle, de militer (ouvertement) pour son ami Sarkozy

Réagir aux 2 commentaires pour “Sarkozy offre 40 millions d’euros d’argent public à son ami Tapie”

  1. CE n°4589 du 17 septembre 2008

    Sans cette mascarade de jugement privé, quel montant aurait pu espérer Tapie au titre dommage-intérêts ? En admettant que sa femme eu été emprisonnée à tord pendant 4.5 ans et qu’un chauffard la tue accidentellement à sa sortie de prison, Tapie aurait pu, selon la jurisprudence actuelle, toucher environ 130 + 20…milliers d’euros.
    Bref, une situation 300 fois moins pénible que de se faire devancer par son banquier (45 millions de dommage-intérêts)

  2. [...] attendait qui la commence. Son accès et ses excès de pouvoir (auto-augmentation de salaire, EPAD, intervention dans la justice) renvoie une image de riche décomplexé tandis que la rue ressent la pauvreté qui augmente (et [...]

Laissez un commentaire

Calendrier
avril 2024
L Ma Me J V S D
« juin    
1234567
891011121314
15161718192021
22232425262728
2930  
Archives
Y′en a des biens...
Moi et mes sites
On a cité mes articles !
les 3 derniers rétroliens